L’inflation en Turquie s’est accélérée pour un sixième mois en novembre, atteignant son plus haut niveau en trois ans, alors que l’effondrement de la lire continue d’assombrir les perspectives des prix à la consommation.
L’inflation en glissement annuel a atteint 21,31 % à la fin du mois dernier, contre 19,89 % en octobre. Ce résultat a été plus rapide que l’estimation médiane de 20,7% dans une enquête de Bloomberg auprès de 20 analystes. L’inflation mensuelle s’est établie à 3,51 %, alors que l’estimation médiane d’une enquête distincte était de 3 %.
Ehsan Khoman, responsable de la recherche sur les marchés émergents pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique chez MUFG Bank à Dubaï, a déclaré que « la vente de la lire n’a commencé qu’à la mi-novembre et n’a donc pas été entièrement visible dans les données de vendredi ». « L’inflation de décembre sera bien pire. »
Il s’agit du premier chiffre important qui montre que le plan du président Recep Tayyip Erdogan, qui vise à stabiliser les prix en réduisant les taux d’intérêt et en laissant la lire chuter, ne fonctionne pas. Aux yeux d’Erdogan, la faiblesse de la lire est le prix à payer pour faire de la Turquie une puissance industrielle et libérer le pays de sa dépendance vis-à-vis des liquidités étrangères à court terme qui affluent dans l’économie lorsque les taux sont élevés.
Mais la chute de 29 % de la monnaie en novembre – la plus forte baisse mensuelle depuis que la Turquie a adopté un régime de monnaie flottante il y a 20 ans – fait grimper les prix et inquiète les électeurs, ce qui a exactement l’effet inverse de ce que recherche Erdogan.
La lire a perdu jusqu’à 0,5 % après les données de vendredi et s’échangeait à 10 h 25 à Istanbul à 13,7091 pour un dollar, soit une baisse de 0,2 %.
Principaux points à retenir
Les prix de l’énergie ont augmenté de 32,14 % en glissement annuel en novembre, contre 25,76 % le mois précédent, alors même que la Turquie continue de subventionner le gaz naturel et les produits pétroliers pour réduire la charge financière de la hausse des coûts sur les utilisateurs finaux. Le boom mondial des matières premières a également contribué à la hausse des prix à la production, l’inflation atteignant 54,6 %, soit le niveau le plus élevé depuis avril 2002, selon les données de Bloomberg.
La croissance en glissement annuel des prix des denrées alimentaires, qui représentent environ un quart du panier de consommation, a ralenti, passant de 27,41 % à 27,11 %, mais reste encore bien supérieure à l’estimation officielle de 23,4 % à la fin de 2021.
Cette accélération a poussé le taux d’intérêt de référence de la Turquie, corrigé de l’inflation, à un niveau négatif de 6,3 %, soit l’un des rendements réels les plus faibles parmi les marchés émergents. L’orientation de la politique monétaire et l’absence d’orientation cohérente vers l’avenir ont été relevées par Fitch Ratings lorsqu’elle a abaissé la perspective de la note de crédit de la Turquie de stable à négative.
Le cycle d’assouplissement « prématuré » de la banque centrale et la perspective de nouvelles mesures de relance monétaire et budgétaire avant les élections législatives prévues en 2023 « créent des risques pour la stabilité macroéconomique et financière et pourraient potentiellement raviver les pressions de financement externe », a déclaré Fitch jeudi.
